Pigments et encres : Evolution des couleurs dans les illustrations

Pigments et encres : Evolution des couleurs dans les illustrations

Les illustrations scientifiques et naturalistes ont traversé les siècles et leurs encres et pigments ont connu de grandes évolutions, passant de matières naturelles à des innovations chimiques sophistiquées.

Ensemble de pigments de peinture en poudre dans un étui en cuir, 1880 – 1899, Science History Institute

Ensemble de pigments de peinture en poudre dans un étui en cuir, 1880-1899, Science History Institute  

Les premiers pigments utilisés dans les illustrations naturalistes étaient principalement des matières naturelles : des minéraux, des plantes et même des substances animales. Par exemple, dans les manuscrits enluminés médiévaux, les pigments étaient souvent mélangés à des liants tels que les blancs d'œufs ou la gomme arabique afin de créer des encres aux couleurs vives et durables. On pouvait y trouver l'outremer (fabriqué à partir de lapis-lazuli), le verdigris (pigment vert à base de cuivre) et le minium (un rouge vif dérivé du plomb). Les artistes utilisaient également des pigments tirés de sources végétales, comme l’indigo et le safran, ou animales, comme la cochenille, un insecte utilisé pour produire des rouges intenses. Cette dernière était très prisée dans l'illustration botanique pour sa durabilité et sa résistance à la lumière.

 

Illustration d'un livre médiéval de Bonnacon, ca. 1185, Morgan Library

Illustration d'un livre médiéval de Bonnacon, ca. 1185, Morgan Library, MS M.81, f. 37r

L'essor de l'illustration naturaliste à la Renaissance a vu l’introduction de nouveaux pigments, certains assez toxiques. Par exemple, le vert de Scheele, un pigment de couleur vive à base d’arsenic, était très apprécié pour son éclat, mais présentait des risques pour la santé des artistes.

Les pigments tels que l’outremer étaient très coûteux et réservés aux œuvres d'exception. La qualité et la pureté des couleurs étaient essentielles pour les illustrations naturalistes, car chaque détail de la flore et de la faune devait être rendu avec une grande précision. Ces œuvres servaient autant à capturer la beauté de la nature qu’à documenter avec fidélité les espèces.

Planche utilisant du vert de Scheele : Myiopsitta monachus - Illustrations of ornithology, William Jardine & Prideaux John Selby, Edinburgh, 1826-1843.
Myiopsitta monachus, Illustrations of ornithology, William Jardine & Prideaux John Selby, Edinburgh, 1826-1843. (Planche utilisant du vert de Scheele)

Le XIXe siècle a marqué un tournant dans les illustrations scientifiques avec l'avènement des encres synthétiques. Des pigments plus abordables et stables, tels que le bleu de Prusse, ont fait leur apparition, révolutionnant la manière dont les artistes travaillaient. Les pigments tels que le chrome jaune ou le rouge de cadmium ont également été introduits, offrant de nouvelles possibilités en termes de palette de couleurs.

Des innovations dans les techniques d'encrage, comme l’utilisation d’encres à base d’alcool ou de gel, ont finalement permis d’obtenir des lignes plus précises et durables. La création de nouveaux pigments synthétiques plus lumineux et résistants à la lumière a favorisé les illustrateur.ices naturalistes dans leur production d'œuvres résistant mieux au passage du temps et aux conditions d’exposition.

Publicité pour le « Blanc de Chine » (blanc de zinc) dans le catalogue illustré de Wadsworth, Howland & Co. : importateurs et revendeurs de fournitures pour artistes et de papeterie pour architectes et ingénieurs - 1885.

Publicité pour le « Blanc de Chine » (blanc de zinc) dans le catalogue illustré de Wadsworth, Howland & Co. - 1885.

Aujourd’hui, les encres et pigments utilisés ont poursuivi leur évolution pour s’adapter à des normes environnementales plus strictes. Les encres à base d'eau sont maintenant privilégiées pour leur respect de l'environnement et leur sécurité pour les artistes. Les pigments organiques, issus de plantes ou d’autres sources renouvelables, sont de plus en plus utilisés dans une démarche écoresponsable.

Certains artistes contemporain.es choisissent également de revenir à des techniques anciennes, utilisant des encres biologiques ou naturelles pour retrouver la richesse et l'authenticité des couleurs d'autrefois. 

Bouteilles d'encre et solvants. Atelier de manutention de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Marie-Lan Nguyen, Paris, 2011.

 Bouteilles d'encre et solvants. Atelier de manutention de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Marie-Lan Nguyen, Paris, 2011. 

Les artistes naturalistes, tout au long de l'histoire, ont exploré ces innovations pour offrir au monde des représentations vibrantes de la nature, tout en maintenant un équilibre entre précision scientifique et expression artistique.

 

Sources :

- A History of Ink: From Ancient Origins to Modern Innovations, Peter Warrior (penvibe), 2023.
- A Brief History of Color in Art, Sarah Gottesman (artsy), 2016.
- Colour Theory: Understanding and Working with Colour, Lisa Cianci, RMIT University Library, 2023.
- Ancient Pigments - Our Colorful Past. Colors Used by Ancient Artists, K. Kris Hirst (thoughtco), 2017.